Samedi 27 février 2010 à 22:41

 

   A l’arrêt de bus, c’est la nuit, c’est toujours la nuit. Les voitures sont rares, le silence frileux et suspendu, le froid engourdissant donne envie de se rétracter à l’intérieur de soi, de se recroqueviller les bras autour de la tête, les jambes contre le ventre, la tête sur la poitrine, et de laisser juste ses yeux ouverts entre les doigts écartés.

Appuyé contre un panneau, lumineux et aseptisé, il y a une très jeune fille. Ses jambes ressemblent a des allumettes, ça fait mal de les regarder. Ses pieds menus tiennent maladroitement dans des talons beaucoup trop hauts, beaucoup trop fins, beaucoup trop femme pour elle. Son slim la colle comme une membrane artificiel, son slim rouge, d’un rouge vif et plein, presque odorant, aussi rouge et sombre que le sang qui a du prématurément coulé sur ses cuisses à la finesse encore enfantine, le sang qui a taché la blancheur de son corps, son corps caressé comme celui d'une poupée de chair, utilisé comme un jouet humain. 

 *

Maintenant, dans ce matin qui peine à s’éveiller, cette fille est là, discutant d'une voix forte et assuré avec ses copines. J'observe sa silhouette, si vulgaire qu'on croirait qu’elle fait le trottoir, le visage barbouillé comme une enfant qui aurait jouer avec le maquillage de sa mère, une main posée sur les hanches, un mégot rougeoyant coincé entre ses mains blanches, comme une goutte d’or ensanglanté suspendue dans le néant.

C'est drôle, cette fille, on a été amies, il y a très longtemps. J’avais presque oubliée. J’avais presque oubliée nos 7 ans. Tout les mondes parallèles qu’on a inventés, les après midi à faire rouler des petites voitures, à construire des barrages de sables, nos deux poignets qu’on a écorchés d’une pierre pour les frotter l’un contre l’autre et se faire soeur de sang, à la vie à la mort. J’avais oublié qu’on s’asseyait sur la moquette bleue de sa chambre, et qu’on maniait ses barbies en les affublant de nos illusions conformismes sur le bonheur, l’avenir. Sourires artificiels, cheveux blonds et lisses, l’amour sans probléme, et la vie, ça va de soi, la richesse et la réussite semblait des buts ultimes.

 

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Je regarde cette fille qui rigole à l’arrêt, pendant que le bus accumule les minutes de retard. Elle ressemble a toutes ces petites filles croisées en soirée. Ces soirées ou, fumant cigarette sur cigarette, je regarde les gens, silencieuse et invisible, les cendres illuminée finissait par noircir ma jambe relevé, calé sous mon menton, soutenu par un bras. Ces soirées ou les mots se bousculent dans ma tête, coupants, pendant qu'une d'entre elle, au millieu d'un groupe de garçons, se croit femme. Dans ma tête, je lui parle, alors qu'elle a déjà quelque chose de mort, que c'est peut être trop tard, que je ne changerais rien.

«  Mais t’a quoi, 14 ans ? Et t’es avec ces types, t’a pas l’air de comprendre, t'es avec ces types, moi, je les connais, tu comprend pas, tu crois que c’est tes copains, tu crois que vous êtes un groupe de copains, t’est avec eux, mais moi, je sais comment ils traitent les gamines comme toi, je les connais, je te dis, te laisse pas faire, ils ont 20 ans, c’est la classe quand tu le racontes à tes copines, le lundi matin, à la recré, ouais, vous savez, ils ont 20 ans ! Je te comprend, tu sais, a ton age, je t’aurais envier, probablement, cette odeur de fruit mur et interdit dont tu t'envellope, oui, mais moi je les connais, je te dis, je les connais pour de vrai, pour de bon, ne les laisse pas faire ; je te regarde, je les voit qui te tourne autour, qui t’enlacent et collent leurs bouches contre la tienne pour rire, qui touche tes cuisses fuselées dans un collant noir, qui touche ton dos à moitié nu, je te regarde, je crois que ça me fait peur, ou mal, je ne sais pas, mais tu comprend pas, t'es avec eux et je sais que tu m’écouteras jamais, j’essaye même pas de te parler, on est tellement différentes toi et moi, je peux pas t’aider, tu m'écouterai pas, tu n’a même remarqué que j’était là, même pas remarqué ma présence, je m'en fous, j'ai rien contre toi, j'aurai probablement pu t'aimer si tu m'avais seulement regardé, je ne te veux aucun mal, mais je ne t'aiderais pas, j'en suis pas capable,j'existe pas assez pour cela, pourtant, j'ai mal quelque part, j'ai mal pour toi, mal pour quelque chose qui semble déja mort chez toi, pourquoi tu fais ça ? pourquoi tu suis le troupeau des filles façiles comme ça ?

Peu importe, mais juste, je les connais, fait gaffe à toi, ils vont te sucer le sang, le faire couler prématurement,, et quand tu te réveilleras le matin, tu trouveras les draps glacés, et l’aube fade, et tu viendra pleurer dans 6 ans, parce qu’un soir, ta gamine t’aura demandé pourquoi tout les autres gosses ont un père, et pas elle, et pourquoi toi tu est si fine a coté des autres mamans, bien solides, bien campés sur leurs deux pieds.

Je te regarde, et j’espère, j’espère vraiment que tu sauras te défendre, j’espère que j’entendrais pas tes cris quand ils t’auront bouffée toute crue et que tu regardera, étonnée, le sang jaillir du moignon de tes membres qui n’avait pas finit de grandir.... »


Frühling in Paris *
 

Par Heart.Of.St0ne le Lundi 29 mars 2010 à 10:29
Tu décris tellement bin .. tu y mets toutes tes sensations ..
ça sert à rien de le dire mais j'aime comment tu écris ..
tu as l'air d'être quelqu'un de bien.
même si ça fait bizarre de dire ça xD
 

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